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our des praticiens "réflexifs" ! La sociologie n'étudie pas ce que les gens doivent faire mais ce qu'ils font effectivement, que cela leur plaise ou non.

Nous en sommes convaincus depuis longtemps et chacune de nos missions d'accompagnement vient le confirmer. Dans les diagnostics sociologiques que nous proposons comme dans les solutions opérationnelles co-construites avec les équipes au terrain. Si l’entreprise est « une affaire de société », écrivait Renaud Sainsaulieu, elle réclame une méthode nouvelle d’accès à la réalité des rapports sociaux, à l’étude des contenus motivationnels de ses salariés, parce que la société a changé et que beaucoup de ses acteurs ont vu grandir leurs capacités à se dissimuler face au regard des chercheurs en sciences sociales.

Albert Einstein disait que la théorie, c'est quand on sait tout et que rien ne fonctionne. La pratique, c'est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi.

Et si cela "fonctionne", cela est le plus souvent relié au degré de confiance mutuelle entre les acteurs d'une équipe ou d'un collectif humain.

L'efficience est déterminée par la capacité de chacun de demander, de donner, de recevoir, et de demander à nouveau. De nouvelles formes de sociologies pratiques émergent aujourd’hui, dans l’action en entreprise pour comprendre ces mécanismes informels. Nos recherches visent à distinguer les défenseurs d’une sociologie pour l’action, qui fondent d’abord, selon nous, de « l’extérieur », leur légitimité de « consultance » sur l’importance d’un stock de situations analysées ailleurs que dans les entreprises et organisations étudiées, en se situant dans une tradition de « recherche-action » qui vise la résolution de problèmes concrets à partir de l’exercice d’une scrupuleuse distanciation sociologique, et les défenseurs d’une sociologie dans l’action (qui voudront être à la fois praticien à temps plein et se réclameront authentiquement sociologues).


La promotion d’une sociologie "dans l’action", soucieuse d’utiliser des compétences sociologiques en tant que praticien et de viser également à une production de connaissances sociologiques dans le champ scientifique, nous est toujours apparue comme une perspective féconde. Elle ne consiste pas à opposer sociologue et manager. Avec elle, c’est la question de professionnels formés à la sociologie mais exerçant, à temps plein, à partir d’un autre métier constitué (dirigeant, RRH, manager, syndicaliste…) qui se pose et nous passionne.

Notre conviction est qu’il s’agirait là de l’une des principales voies contemporaines de diffusion de la sociologie dans le monde de l’action productive. Sociologues pour l’action et dans l’action se différencient pour recueillir des faits significatifs, les analyser en sociologue et agir.

Nos travaux visent à étudier les modèles de production et de diffusion des connaissances sociologiques de ces « sociologues dans l’action », leurs mécanismes d’insertion professionnelle, de carrières, leurs conceptions de la sociologie, leurs rapports avec les institutions académiques ou d’autres commanditaires.

Traditionnellement, il nous semble que les sociologues académiques, universitaires du travail (« pour l’action ») courent toujours un risque de traiter de phénomènes sociaux sans enjeux directs pour les entreprises et de rester ignorés tandis que les sociologues praticiens (« dans l’action »), ceux dont nous défendons également l’existence, eux, restent liés à leurs commanditaires et sont soumis aux enjeux de contrôle de la parole de leurs institutions porteuses. Le danger est toujours menaçant de « réduire la recherche en sociologie à une activité d’auxiliaire du développement technologique ou de la communication marketing » comme l'exprime Jean-Luc Metzger. En tant que consultant depuis 2008, nous avons fait le pari de la connaissance appliquée à l’action et vécu une tension entre le savoir scientifique, son exigence méthodologique et la demande sociale, celles de dirigeants d’entreprises, de responsables associatifs ou encore de cadres du secteur public, qui vous sollicitent sur un savoir théorique supposé, une capacité avérée de diagnostic et sur une aide au pilotage, un accompagnement de l’action en vue d’une transformation manifeste.


L’engagement de cette pratique sociologique « intervenante » reste questionné tant par ses pairs de la communauté scientifique sur sa distance, sa posture critique, que par ses commanditaires dans leurs attentes de recommandations concrètes et de résolution (rapide) de problèmes.
Si traditionnellement, l'enquête ne produit des connaissances que pour autant que ses résultats soient communiqués et discutés, la manière d'agir du sociologue-professionnel dans l'action ne se « voit » pas. Ou plutôt, on n'en voit que les résultats et pas nécessairement le champ explicite, clairement cadencé et exprimé, des intentions et des décisions.



Dans cette pratique, l'important est moins de dire ce que l'on pense que de tenir ce que l'on dit et soutenir l'effort de l'action transformatrice prolongée. Sa recherche, patiente, est celle du « potentiel de situation » et des « points de jointure » d'une organisation. Sa recherche est celle d'une sociologie réellement pratique qui se donne le temps "d'user le problème", de promouvoir les idées décapantes, de remettre en discussion les évidences... et ensuite agir de concert.

Cette posture de praticien n’est pas sans dangers et fait courir des risques pour celui qui l’assume. Car cette pratique de « recherche-intervention » sociologique, par « petits pas », qui se veut « socialement utile », fondée sur la croyance ou plutôt l’exigence que les raisonnements des hommes et des femmes au travail peuvent s’expliciter et se prêter à la contradiction engendre bien souvent une expérience de la solitude à assumer.

Tout travail de décodage des enjeux conscients et inconscients des relations de pouvoir, des différences culturelles et identitaires, toute tentative de compréhension du social de « l’intérieur », à la source de la subjectivité des acteurs, porte en germe la polémique, est long, difficile mais aussi... bien souvent ressourçant et si utile. On ne gagne pas parce qu'une stratégie ou une intuition d'un dirigeant est juste. On commence à le faire quand on veut tirer partie systématiquement de l'intelligence de tous et à tous niveaux dans l'organisation...

Dans cette vidéo, Alain Caillé revient sur son itinéraire intellectuel (penser la politique à partir du don) et notamment sur la création de la Revue du MAUSS. Il montre comment l'influence d'un puissant courant de pensée "utilitariste" a pu légitimer, au sortir de la seconde guerre particulièrement, le phénomène de la mondialisation, tout ramener aux seuls problèmes "économiques" ("économicisme") et restreindre, au final, le champ de la sociologie.

Il insiste sur l'influence de Karl Polanyi et de Marcel Mauss pour dépasser la vision de l'homo economicus", c'est-à-dire d'individus séparés les uns des autres et cherchant à seulement maximiser leurs intérêts. Le marché n'est pas le seul mode de régulation de la société et la gouvernance politique n'a pas à voir de solution seulement "économique". Les rapports humains reposent moins sur le contrat et la logique du "donnant-donnant" que sur une triple obligation de donner, recevoir et rendre.

Le don n'est pas la charité. Le don est un opérateur politique. Il y a même "lutte" par le don, où l'important est d'aplatir son rival, d'être plus fort en générosité (rivalité agonistique). S'opère alors le basculement de la guerre "pour de bon" à la guerre "par le don" qui a la vertu de transformer les ennemis en "contributeurs". Alain Caillé y voit une racine du lien social qui permet de passer de la violence à des formes d'alliance. Est-ce vrai partout et universel ? Qu'est-ce qu'un vrai don qui correspond à une "vraie" demande ?
Dans cette vidéo, Alain Caillé insiste sur une "Révolution" du don. Il souligne, d'une part, la succession permanente de modes managériales ("culture d'entreprise", participatif, libération de l'entreprise...) et défend, d'autre part, l'importance d'une logique anti-utilitariste.

Par delà le salaire, le déterminant de la contribution est la structure informelle de l'entreprise (principalement les affects). Ce qui structure cette dimension "informelle" est de donner - recevoir et rendre (triple obligation chère à Marcel Mauss). Alain Caillé ajoute la capacité de demander comme le fait un joueur de football qui sollicite le ballon.

Face à cela, existe toujours le risque de cycle négatif (ignorer, prendre, refuser et garder).

A tout moment, chacun des membres d'une équipe devrait pouvoir pouvoir demander des soutiens techniques, psychologiques et affectifs. Tout simplement braver une culture instituée de la défiance.

Contributions à ouvrages sur ce champ de recherche :

Publications dans des revues à Comités de lecture sur ce champ de recherche :

Ressources sur le thème de la sociologie pratique :

Dans cette vidéo, Marc Halévy définit ce qu'est un réseau : un ensemble de petites entités autonomes en interaction les unes avec les autres et fédérées par un centre. Le réseau n'est pas collection mais une alliance pouvant permettre de faire face au complexe pour s'adapter. La notion de réseau renvoie à l'inadaptation des modèles hiérarchiques du passé mais surtout à une autre manière de vivre, un nouvel art du vivre-ensemble. Plus largement, le réseau renvoie à l'idée de devenir. Il s'oppose au statique, au défini, au prévisible.

"Il ne s'agit plus de formuler les lois invariantes de l'univers qui, au fond, ne reflètent que des idéalisations – donc des simplifications - successives selon une démarche très platonicienne. Il s'agit de sortir de la vision parménidienne de l'invariance de l'Être – qui fut le ressort intime et désespéré de toute l'œuvre d'Albert Einstein -, pour entrer dans une vision héraclitéenne de la cohérence du Devenir"

"L'univers se construit par accumulation comme l'arbre se construit, à sa périphérie (par le cambium), par accumulation de cernes successifs. De même, l'univers est un "arbre" fractal qui se construit par cette "couche" périphérique active que nous appelons le présent : il se construit en s'appuyant sur la totalités des "couches" inactives antérieures qui demeurent totalement et indéfiniment en lui"
(Marc Halévy, Fondements d'une physique complexe).
Dans cette vidéo, Luc Boltanski présente sa conception de la notion de domination : comment se distribue le pouvoir et comment se dispute cette distribution ? La question de la domination croise celle de la violence. Elle interroge la fonction même de la sociologie.

Elle questionne l'injustice du monde, la présence d'« agents assujettis aux structures » mais aussi l’angle possible d’une sociologie des capacités d’action et d’action critique. Précisément, la sociologie de Luc Boltanski prend au sérieux les capacités critiques des individus, qui n’attendent pas que le sociologue leur « dévoile » la réalité pour la trouver injuste. Elle montre que, loin d’être toujours soumis aux dispositions d’un habitus unique, ces mêmes individus peuvent adopter des logiques d’action irréductibles les unes aux autres.