D ans les organisations humaines, on crée généralement une importante résistance à chaque fois qu'on tente d'implanter des changements.

Plutôt que d'entraîner tous les membres de cette organisation dans la création de ces changements.
On fait face le plus souvent, en entreprise, à des silos hermétiques de concepts, de techniques ou d'habitudes qui se cristallisent avec le temps. Pourtant, quand les personnes sont mises à contribution, se forment, nous disent les défenseurs de l’organisation apprenante, elles inventent un futur qui les inclut. Elles s'identifient à ce qu'elles créent et ont naturellement tendance à défendre leur création.

C'est pourquoi des changements profonds peuvent devenir soudainement très rapides dans les organisations où on a pris le temps d'intéresser tout le monde à la création de ces changements. Ce qui « ferait la différence » entre les systèmes économiques et sociaux, ce ne serait pas tant la détention de capitaux et la puissance d’un appareil industriel mais la maîtrise des connaissances scientifiques et la capacité de les traduire en produits nouveaux et plus performants ou en services innovants. L’importance des investissements immatériels en témoigne : c’est le savoir et l’expérience issue de ce savoir qui constituent la véritable richesse des sociétés de demain.
Formation tout au long de la vie, management des connaissances, apprentissage par l’action, renforcement du sentiment d’appartenance à l’entreprise, valorisation des acquis de l’expérience… les mérites de l’organisation apprenante sont aujourd’hui largement exaltés et l’expression amplement diffusée. La notion d’organisation apprenante fait idéologiquement référence à la vie elle-même : qui n’apprend pas est amené à disparaître. Cette notion s’applique autant aux individus, aux groupes qu’aux organisations.

Pourtant, très peu d’entreprises savent à ce jour traduire ce modèle idéal d’éducation permanente dans les faits, parvenant ainsi à tisser des communautés de pratiques reliées à partir de plusieurs pays.

Apprendre autrement ?

Nos recherches, en utilisant certains apports conceptuels de la sociologie économique, de la psychologie « positive » et de l’analyse des réseaux sociaux, visent à questionner ce nouveau mode de management, l’organisation apprenante, qui valoriserait une capacité à bâtir le futur en s’appuyant sur des réponses qui émanent de pratiques sociales et professionnelles et non uniquement académiques.

N. Elias, en son temps, avait montré que la liberté de l’individu et son pouvoir se mesurent à l’étendue du réseau d’interdépendances dans lequel il est et sur lequel il peut agir. Et, plus sont denses les dépendances réciproques qui lient les individus, plus est forte la conscience qu’ils ont de leur autonomie.

Les notions de communautés de pratiques, de capital social dans la recherche d’emploi, d’encastrement social de la relation de crédit financier ou encore de management des entreprises en réseaux découlent largement de cette meilleure compréhension du caractère réticulaire des organisations qui vient renouveler les postulats néo-classiques de l’économie.



Nous proposons, dans nos recherches et interventions en entreprise sur les organisations apprenantes, de découvrir cinq modèles d'organisation qui renvoient à cinq manières de produire de la valeur, d'agencer les forces et les processus. Ces modèles de la "loyauté" (latin, pyramidal, du Père), de "l'employabilité" (anglo-saxon, ramifié, des Pairs), de la "communauté de métiers" (du type des GAFA et du capitalisme californien), de l'entreprise plateforme" (du type Uber) et de "l'entreprise archipel" questionnent la centralité du travail dans nos vies et obligent à faire coexister les modes d'apprenance et de reconnaissance.

Dans une institution productive, particulièrement de grande taille, implantée en différents lieux physiques, nous pensons que les modèles coexistent, entrent en tension et s'influencent en se transformant.
« Les gens n’achètent ce que vous faites, ils achètent pourquoi vous le faites » dit l'expression. Le nouvel espoir porté en entreprise par les organisations apprenantes est important. La relation devrait prendre la place de l’autorité. Le partenariat, celle de l’autorité réglementaire et l’intelligence coopérative, devrait déborder le savoir des seuls experts si l’on croit certains zélateurs des réseaux sociaux et du « knowledge management ». Or la réalité du développement des échanges, des connaissances, du développement des processus d’apprentissage et de formation est plus nuancée. Ces grandes entreprises en réseau, de plus en plus éclatées géographiquement, posent la question de la création et de l’entretien du lien social, des communautés de pratiques dont l’existence est soumise à des contraintes de fréquence et de proximité physique.

Souvent, l’appropriation par les acteurs de l’entreprise en réseaux se fait de manière indépendante du souhait des dirigeants de l’organisation, conduisant à de nouveaux phénomènes sociaux, conséquences induites et inattendues, qu’il convient aussi d’analyser. Dans le même temps, les rapports de pouvoir, les hiérarchies, parce que le réseau devient une forme d’organisation importante mais non unique, ne disparaissent pas. Quel système d’appartenance, dès lors, dans une entreprise en réseau ? Quelles motivations et projets professionnels des salariés dans une « véritable » organisation apprenante ?
Dans cette vidéo tournée dans le cadre de l'Association des Anciens de L'Oréal, nous revenons sur l'évolution des formes d'organisation et le sens du travail.
Dans cette vidéo tournée dans le cadre de la Convention des Clubs APM, en 2017, à Bordeaux, nous revenons sur le concept d'entreprise "archipel".
Dans cette vidéo, tournée devant un collectif de dirigeants, nous pointons certaines des évolutions d'un monde qui change.
Dans cette vidéo tournée à Sciences Po (Campus de Reims), nous définissons ce qu'est une entreprise apprenante.

Dans cette vidéo, Norbert Alter, revient sur son propre parcours et défend une sociologie qui ne soit pas obsédée par le déterminisme. Le propos fait la part belle à l'exception. A ceux qui ne pensent pas comme les autres. Atypiques...

Souvenons que Norbert Alter, sociologue de l'innovation, a su aussi distinguer invention et innovation. Insister sur la capacité d'appropriation des acteurs et le risque d'imposer par le haut un effort de transformation. L'apprentissage est question de temps et toujours d'incertitude. Innover, c'est aussi mobiliser des croyances.

"L'innovation est toujours une histoire, celle d'un processus. Il permet de transformer une découverte, qu'elle concerne une technique, un produit ou une conception des rapports sociaux, en de nouvelles pratiques. Innover représente toujours une prise de risque, une forme de déviance au quotidien".

"De même, ce ne sont pas les élites qui peuvent décréter l'innovation puisque celle-ci représente toujours l'usage inattendu, la perversion ou l'appropriation d'une décision ou d'une nouveauté. Mais les élites savent tirer parti des innovateurs du quotidien, en transformant en lois leurs pratiques innovantes, en les institutionnalisant. L'innovation, dans les organisations, est ainsi toujours un apprentissage collectif dans lequel personne ne peut à l'avance savoir s'il a ou aura raison" (Norbert Alter, L'innovation ordinaire).

Dans cette vidéo, Michel Serres, philosophe des sciences, revient sur son itinéraire. Il ne dit pas "gaucher contrarié" mais "complété" parce que la contrainte du système scolaire a permis de faire naître une compétence supplémentaire. Michel Serres ne dit pas "c'était mieux avant" et évoque "Petite Poucette", une très jeune fille du temps des nouvelles technologies. Michel Serres parle de renversement de culture, comparable à l'invention de l'écriture ou de l'imprimerie. Et du bonheur de l'accès à l'information, pas de la connaissance...

"Par téléphone cellulaire, ils accèdent à toutes personnes; par GPS, en tous lieux; par la Toile, à tout le savoir : ils hantent donc un espace topologique de voisinages, alors que nous vivions dans un espace métrique, référé par des distances".

"Le seul acte intellectuel authentique, c'est l'invention"
(Michel Serres, Petite poucette).
 

Ouvrages de Philippe Pierre sur ce champ de recherche :

Publications dans des revues à Comités de lecture sur ce champ de recherche :

Ressources sur le thème de l'organisation apprenante : 

Dans cette vidéo, Marc Halévy précise que nous vivons cinq ruptures majeures, irréversibles, définitives qui rendent obsolète le paradigme "moderne", hérité de la Renaissance au travers de l'humanisme du 16ème siècle, du rationalisme du 17ème, du criticisme (et des "Lumières") du 18ème, du positivisme du 19ème et du nihilisme du 20ème.

Ces cinq ruptures - à découvrir dans cette vidéo - sous-entendent cinq réponses à apporter (Frugalité, Intellectualité, Virtuosité, Spiritualité).

Derrière l'émergence des réseaux et des organisations peu hiérarchiques mais fortement collaboratifs, se cache un mouvement profond, une dernière réponse : l’Organicité, c'est-à-dire le passage des modes de vie mécaniques régis par des lois, des normes, des règles, des protocoles, aux modes de vie organiques où les interactions priment sur les règles, où les collaborations priment sur les procédures. Qu'est-ce donc qu'un réseau ? C'est un ensemble de petites unités, autonomes (mais pas indépendantes), fédérées par un projet commun très fort, et interagissant en permanence entre elles...
Dans cette vidéo est présentée une expérience originale - apprenante - de gouvernance au Sénégal, une méthode originale pour aider les populations à proposer des réformes foncières en s’appuyant sur leurs expériences.

Comment développer des outils puissants, basés sur une réflexion éthique, qui permettent de mettre en mouvement des acteurs très variés (du décideur politique au citoyen) ? ComMod fait s’exprimer les représentations d’un sujet à traiter en commun pour reconstruire une représentation commune afin de prendre des décisions collectives : la modélisation d’accompagnement. Le jeu, la rotation des responsabilités qui mettent en lien, la nécessité de devoir expliquer ses perceptions comme ses probables décisions... font pleinement partie de ces décisions d'hommes qui s'arrêtent aux limites de l'environnement. Peut-on les nommer "solidarité politique" en chemin ?